Le bombardement de Donetsk de juin 2014, une ville industrielle de plus de 900 000 habitants dans le centre de l'Ukraine, a incité Tetiana, son mari et leur nouveau-né à fuir.
C’était une décision déchirante pour la scientifique et experte en intelligence artificielle : son père était mourant d’un cancer, mais la sécurité de la petite Maria était la priorité.
Un an plus tôt, tout allait pour le mieux pour Tetiana. Avant de rencontrer Volodymyr, père célibataire de deux fils, elle avait élevé ses deux filles jusqu’à l’âge adulte.
Tetiana et Volodymyr sont tombés amoureux et se sont mariés. Au bout de quelques mois, un bébé était déjà en route. Puis tout s’est écroulé.
«J’étais chercheuse, j’enseignais et je donnais des cours particuliers», se rappelle-t-elle. «Je ne vivais pas dans le luxe, mais je pouvais avoir tout ce dont j'avais besoin.»
«Un mois après la naissance de Maria, nous sommes arrivés à Myrnohrad, où mon mari travaillait dans une mine de charbon et avait une maison. Nous avons pris des vêtements pour Maria, une chaise bébé et un berceau. Ce berceau a plus de 23 ans maintenant! Mes deux filles aînées y ont grandi. Ensuite, tous mes amis l'ont utilisé pour leurs enfants», a-t-elle déclaré.
Pressée de partir, Tetiana s'est concentrée sur les besoins de sa fille en bas âge.
«Je n'ai pris que des sous-vêtements de rechange, des culotes et un chemisier. Nous pensions rentrer à Donetsk dans un mois ou deux… Bien entendu, nous n’avions aucun doute sur le fait que nous devions prendre le berceau avec nous.»
Les premiers mois étaient difficiles. La mine où travaillait Volodymyr a tardé à payer son salaire et l’alimentation en eau de la ville a été coupée pendant près de six mois. Le manque d’approvisionnements de base et la santé défaillante de son père poussèrent Tetiana à acheter des couches en ligne et à les revendre pour en générer un revenu modeste. Cette initiative s’est effondrée lorsque son fournisseur s’est enfui avec ses économies et l'argent qu’elle avait emprunté à des amis.
«J’étais au plus bas, j'ai eu une grave dépression. Si ce n’était pour mon bébé, je ne sais pas si j’aurais survécu. J'avais le sentiment que toute ma vie m'était retirée», a-t-elle déclaré.
«Après, j'ai réussi à me reprendre, j'ai reçu des paiements sociaux et je les ai investis dans des articles d'hygiène à vendre. J'ai loué un magasin qui n'avait pas de chauffage à cette époque. Mon mari travaillait à la mine de 6 heures à 16 heures et je travaillais dans la boutique, mon bébé dormait sur des chaises.»
Avec le soutien de l’OIM, Tetiana gère maintenant deux petits magasins qui emploient quatre autres femmes Personne déplacée interne. Elle verse une partie de ses biens à titre de charité aux populations locales vulnérables. Elle a eu une autre fille qui occupe le berceau qu’elle avait gardé pendant tout ce temps avec elle.
«J’investis toute mon énergie dans mon entreprise. Quand j'étais enceinte de ma quatrième fille, Aleksandra, je me rendais régulièrement dans d'autres magasins pour essayer de mieux présenter les produits », a-t-elle déclaré. « Aleksandra est née une semaine à peine après l’ouverture de la boutique.»
Aujourd'hui, la petite Aleksandra a remplacé Maria dans la crèche, devenue symbole de renaissance et de persévérance.
«Mes meilleurs souvenirs sont liés à ce berceau. Il a été acheté en 1995 dans un magasin de produits usagés», a-t-elle déclaré. «Mes trois filles y ont grandi et maintenant c'est au tour de la quatrième. Vous voyez qu'elle est un peu usagée, car je la déplace partout dans la maison pour que le bébé soit toujours avec moi et reste en sécurité.»