Alors que des combattants du groupe État Islamique lourdement armés affluaient dans leur village en 2014, Abu Jassim et sa famille n’ont eu suffisamment de temps que pour récupérer leurs cartes d'identité, leurs pigeons et s'enfuir.

Ce père de trois enfants, âgé de 49 ans, a cultivé toute sa vie les terres autour de Yathreb, un gouvernorat situé à 90 km au nord de Bagdad. Ni lui ni ses voisins,  ne pensait un jour, devoir se séparer de tout ce qui leur était familier.

La famille avait espéré que le déplacement ne serait que temporaire, mais les jours sont devenus des semaines, pendant qu’ils se déplaçaient d’un endroit à un autre. Trois mois plus tard, ils ont finalement trouvé refuge dans le camp d’Ahsty, à Sulaimaniyah.

Malgré toutes les difficultés que sa famille a connues sur la route, Abu Jassam a réussi à garder ses oiseaux en vie, un rappel réconfortant de leur terre d'origine.

« Lorsque nous avons fui, j'ai mis mes huit pigeons dans une petite cage et les ai emportés avec nous », se souvient-il.

« Je ne pouvais pas les laisser derrière, je les aime trop. »

Le camp situé hors de la ville est correct. La zone est calme, il offre quelques commodités de base, telles que de modestes écoles pour les enfants, et dispose de suffisamment d’eau. Mais les habitants vivent dans des tentes, n’ayant rien d’autre à faire que revivre le traumatisme de leurs déplacements forcés et le souvenir de leur vie.

Bien qu’il ait ses pigeons bien-aimés à ses côtés, la vie dans le camp ressemble à une prison pour une famille habituée à vivre dans une vaste plaine. Toutefois, Abu Jassim préfère la sécurité que de retourner à Yathreb où sa maison a été rasée et dans une zone toujours instable.

« Même si nous rentrons, je devrais recommencer à zéro. Je ne sais pas quand je pourrai reconstruire ma vie, construire une nouvelle maison, acheter une voiture et avoir du nouveau bétail », dit-il.

« La partie la plus difficile est le manque d'opportunités d'emploi. Le seul travail que j’ai est à la municipalité où je suis travailleur journalier pour seulement 2'000 dinars irakiens par jour (environ 1,50 USD), tandis que d’autres touchent au moins dix fois plus. C'est très humiliant pour moi, mais je l'accepte pour le bien de ma famille. J'en ai besoin pour les nourrir. »

Il a réussi à construire une petite cage à l'extérieur de la tente pour ses pigeons. « Mes pigeons ont eu des pigeonneaux et j'en ai maintenant plus de 40!

Je m'assieds souvent ici dans ma tente et je regarde mes oiseaux à travers cette petite fenêtre », dit-il.

« Cela m'aide à me détendre. Ils me rappellent tout ce que j’ai aimé de ma vie à Yathreb : ma ferme, les champs, le bétail, la famille et mes amis autour de moi. Je suis tellement attaché à mes pigeons qu’ils font maintenant partie de la famille. "